Il avait été un des plus grands ambassadeurs d’Afrique. La pochette de Wakafrika était très pertinente, il incarnait l’Afrique. Le camerounais Manu Dibango – alias Papa Manu ou Pappy Groove - était arrivé à Marseille en 1949 avec trois kilos de café (une denrée rare à l'époque) et l’espoir d’un monde meilleur. Il a découvert le saxo avec Francis Bebey (un autre géant africain), il a forgé son afro-jazz entre la France, la Belgique et le Cameroun. Au fil du temps et des rencontres musicales le Kojak noir avait grandi. A la dernière décennie, du haut de ses 80 ans il continuait ses tournées mondiales.
Wakafrika était son sommet, son projet de reprises des plus grands tubes africains avec la crème des musiciens africains enregistrées à Paris, New York, Londres et Los Angeles. Le chef d’orchestre n’aurait pas pu choisir une meilleure troupe pour l’accompagner. En plus de son Soul Makossa Gang, on retrouve Salif Keita, Youssou N’Dour, Papa Wemba, Touré Kunda, Ladysmith Black Mambazo, Manu Katché, Tony Allen, Peter Gabriel, Sinead O’Connor …
Et que dire de la playlist ? Pata Pata de la reine Myriam Makeba, Jingo de Babaté Olatunji (et pas de Santana comme la plupart croient), Wimoweh, Lady de Fela, Emma des Touré Kunda, Hi-Life de Wally Badarou, Homeless de Paul Simon … Et évidemment son Soul Makossa. Son immense tube de 1972 qui figurait à sa sortie en France en face B de l’Hymne De La 8e Coupe D'Afrique Des Nations !! Jusqu’au moment où il a été découvert par des DJ new-yorkais qui en ont fait un tube planétaire. Piqué ensuite par Michael Jackson pour apparaitre en début de Thriller, au morceau Wanna be startin' something…
Wakafrika n’est pas un album normal. C’est un monument, un jalon important de la musique ethnique, une légende qui permit à la world music de se répandre.
Le cygne noir est mort la semaine dernière du covid-19. En toute discrétion. Il fait partie de ceux qui sont tombés (et tomberont) sur le champ de la bataille à l’ennemi invisible. Partis seuls, sans être accompagnés dans leur dernière demeure comme il se doit par leurs proches, amis, fans.
RIP Manu.
RIP mon ami Jean-Marie Z, tu me manqueras.
RIP à toutes les victimes de ce fléau et (longue) vie à nous.
PS : Qu’est-ce que 3 semaines, 2 mois comparés à une vie, des vies ? RIEN.
Restons confinés jusqu’au bout, pensons un peu aux autres, infirmiers, médecins et ceux qui n’ont pas eu le bon numéro dans la loterie naturelle. Le temps où on sortira marcher, courir, fêter, se prendre dans les bras, viendra très vite...Profitons de ce moment pour écouter, lire, parler, regarder, cogiter et préparer notre futur !