Les films et leurs bandes originales sont des couples mariés pour le meilleur et pour le pire. Comme dans la majorité des mariages ce n’est pas l’extase, l’entente parfaite. Il y en a un qui prend le dessus et l’autre qui s’efface. Un leader et un follower. La BO est le serviteur du film ou le film est le prétexte pour une bande son canon.
Selon Quentin Tarantino, l’image et le son est un couple fusionnel. L’un ne peut pas exister sans l’autre, les deux sont au même niveau. Ils se baladent main dans la main au sommet. La musique ne fait pas partie du background, elle est au premier plan avec les acteurs et les dialogues. Toutes les scènes et séquences mémorables de ses films ont un point commun : Elles sont précédées, accompagnées ou suivies de sons craquants, de mélodies jouissives, d’airs classiques qui nous transportent au milieu de l’action (ou ailleurs). La musique est sa maîtresse, sa muse. Il la choisit comme ses acteurs parce qu’elle a un rôle important à jouer. Il la produit.
La musique est la mariée rêvée de Kill Bill 1 et 2.
Dès les premiers instants elle met la barre très haut avec Bang Bang de Nancy Sinatra sur un fond noir avec des lettres blanches. Une chanson écrite en 1966 qui va comme un gant au film et à l’esprit tarantinien de violence feutrée.
C’est elle qui amène le côté western du film et donne de la noblesse et de l’héroïsme aux deux personnages féminins majeurs : Avec le Grand Duel de Luis Backalov dans la scène manga de la petite O-Ren Ishii qui assiste à l’assassinat de ses parents. Puis avec l’Arena de Ennio Morricone lorsque Beatrix Kiddo – alias Black Mamba – ressuscite de sa tombe à coups de poing.
Elle fait appel à Isaak Hayes et son funky tueur Run far run pour loger une balle dans la tête d’un vilain riche. Elle sort de la flûte de Pan de Zamphir pour donner de la gravité à la cérémonie du don de sabre forgé par Hattori Hanso. Elle devient sifflement inquiétant lorsque la vipère rentre à l’hôpital pour piquer la belle endormie. Elle est annonciatrice de combat avec le thème de Tomoyasu Hotei (bien connu des fans du foot de l’hexagone) pour nous présenter la garde rapprochée de la samouraï.
Eclectique, elle a toujours un côté décalé et inattendu par rapport aux images. Qui d’autre que Tarantino aurait pu superposer le Don’t let me be misunderstood des Santa Esmeralda avec le décor féerique du jardin japonais enneigé à la fin de la première partie ? Dégotter le groupe féminin de punk rock nippon des 5,6,7,8's et le faire jouer en live, pieds nus avant le massacre des 88 fous ? Trouver la reprise trip hop d’About Her des Zombies par Malcolm McLaren pour mettre au lit la fille de Beatrix ? Ou convaincre les RZA d’écrire deux morceaux pour la BO - qu’on entend malheureusement pas pendant les 2 films - .
Arrive la fin. Une saga en deux volumes mérite une fin en feu d’artifice ! Le bouquet final avec la présentation des acteurs et la Malaguena Salerosa de Chingon est jouissif. On attend un peu voir s’il n’y a pas l’habituelle scène cachée nichée au milieu des titres. On ne l’a pas. A la place on a Uma qui conduit sa décapotable en écoutant Goodnight Moon de Shivaree… et on se met à rêver d’un Kill Bill 3 où la petite Nikki va venir venger sa maman, la vipère noire Vernita Green.