★ Little Simz – Sometimes I might be introvert (2021)
A l’époque où dans certains pays les femmes souffrent du retour d’obscurs moyen-ageux qui prétendent que les filles sont des pierres précieuses qu’il faut enfermer dans des burquas pour préserver leur pureté, dans d’autres des jeunes filles révolutionnent leur domaine et par extension le monde. Little Simz fait partie de cette génération de jeunes femmes qui ont leur mot à dire. Sans concessions, sans limitations, en défiant leurs ainées et les hommes pour leur montrer qu’elles sont fortes. Très fortes !
Son message est clair : Sometimes I might be introvert. Elle nous pousse à l’extraversion, à sortir de notre coquille et à nous exprimer. Sa musique est grandiose, elle s’élève au-delà de la sphère du hip hop. Accompagnée par un orchestre et une tripotée de musiciens et d’instruments divers et variés (guitare, synthés, percussions, cuivres, orgue, batterie etc), elle chamboule le paysage musical actuel comme une pierre roulante. Elle mêle soul, rap, gospel, classique, spoken word avec une facilité déconcertante. Vive les jeunes (filles) !!
★ DJ Seinfeld – Mirrors (2021)
Le musicien et producteur suédois DJ Seinfeld avait fait beaucoup parlé de lui après la sortie de son premier album « Time spent away from U » en 2017… il le méritait amplement, son electro-house était très spéciale, à la fois melancolique, sombre, entrainante et dansante ! Quatre ans plus tard le petit frère Mirrors pointe le bout de son nez chez Ninja Tune. Sans surprise il marche sur les pas du premier en empruntant des sentiers plus lumineux.
L’idée et le nom de Mirrors vient de la volonté de son créateur de côtoyer, découvrir les autres pour se découvrir soi-même. Mirrors est là pour prolonger notre été, nous pousser sur les pistes de danse et nous amener un peu d’air barcelonais, le lieu d’habitation du DJ. Ses beats sont addictifs, montent petit à petit au cerveau et ne le lâchent pas. Il y en a pour tous les gouts : Des moments de transe, de disco-italienne ou encore de house-garage (un style particulier de l’electro à ne pas confondre avec le garage rock qui a un côté soul, mélodieux plus marqué que la house classique, plus funky et orientée beat). Un ninja tune indispensable !
★ Habibi Funk – An Eclectic Selection of Music from the Arab World Vol.2 (2021)
Voici une excellente porte pour entrer dans une world music sous-estimée et méconnue, celle du Maghreb et du Moyen-Orient ! Habibi Funk, un label allemand spécialisé dans le genre, nous donne un très bon aperçu de ses artistes marocains, algériens, libyens, égyptiens, libanais qui se sont appropriés les courants principaux de la musique occidentale – jazz, pop, funk, soul, disco, reggae – en ajoutant leurs rythmiques et langues locales.
Les chansons de cette compilation se situent dans les années 70-80 et partent dans tous les sens : Le soul-rock de Fadoul avec ses vocaux très james-browniens, l’orgue jazzy de Magdy Al Husseini, la soul au beat captivant de Sal Davis, la disco jouissive de Ouiness, la douceur pop de Douaa, la reprise hallucinante de Stayin Alive des Bee Gees par Najib Alhoush, la « Casbah » très joyeuse et cinématographique d’Ahmed Malek, le rock très funky et kabyle d’Aït Meslayen, le reggae lybien d’Ibrahim Hesnawi, le funk libanais de Tony Ben Feghaly … Vous l’avez compris ! Toute la beauté de cette sélection éclectique vient de ce rapport surprenant entre l’hétérogénéité des sons et le dénominateur commun de la langue arabe.
★ Mobilisation Générale – Protest and Spirit Jazz from France 1970-1976 (2013)
Il fut un temps en France où les musiciens et chanteurs étaient militants, directement impliqués dans la politique, n’hésitant pas à élever leurs voix, à se mobiliser face aux injustices de leur pays. Un temps où la grève, la manifestation, la mobilisation générale n’étaient pas des concepts lointains et inefficaces mais monnaie courante et payante pour les jeunes et moins jeunes. De 1970 à 1976, avant que le punk, le disco et la new wave viennent emporter les derniers rêves des hippies pour une société égalitaire et socialiste (dans le sens utopique, pas celui imposée par la Chine et l’URSS), beaucoup d’artistes et des musiciens avaient une vision théâtrale, poétique, progressiste, free jazz, tribale, ethnique, underground, militante de la musique.
Mobilisation Générale – Protest and Spirit Jazz from France 1970-1976 met de la lumière sur quelques perles de ces héros méconnus. On apprend qui était Mahjun (movement anarcho héroïque des joyeux utopistes nebuleux) ou le Full Moon Ensemble. On redécouvre Brigitte Fontaine en duo avec son mari moins connu Areski Belcacem dans le dialogue exquis « c’est normal ». On plonge dans l’épopée du Larzac. On reste sans voix devant « le cri » de Michel Roques (un multi-instrumentaliste aveugle), « l’orientasie » du Baroque Jazz Trio ou la fougue d’Alfred Panou qui chante « je suis un sauvage ». Bref ce disque est fait pour ceux qui ont une âme libre, beatnik, rêveuse et révolutionnaire…