Les années 70 étaient une traversée du désert pour le jazz. Les jeunes découvraient avec bonheur de nouveaux genres, de très beaux bébés qu’on ne pouvait pas ne pas adopter : Funk, Electro, Reggae, Disco, Rap, Punk. La musique cuivrée des parents et grands-parents était, au mieux rangée dans les caves, au pire bradée dans les vide-greniers.
Blue Note ne pouvait pas échapper à cette période de disette malgré son catalogue éclectique et son marketing génial. La survie et le futur de ce label de jazz reposait entre les mains et les cerveaux d’une poignée d’artistes. Ils étaient des oasis débordant de créativité et d’idées de fusion. Donald Byrd faisait partie de ceux-là. Il composait et jouait de la trompette. Il avait son groupe, il était depuis longtemps sur la place. Il avait compris dès le début des années 60 que le hard bop n’était plus vendeur et il avait pris la direction soul-jazz. Plus cool, joyeuse et dansante !
Au début des années 70 il est parti vers le funk, LA musique des jeunes noires. Avec Herbie Hancock et Roy Ayers ils étaient les parrains d’une nouvelle voie, le jazz-funk. En 1973 il a sorti Black Byrd de son chapeau. Un coup de maître, un chef d’œuvre qui est très vite devenu best-seller. Deux années plus tard, il sortit un nouveau lapin, Places and Spaces. Un album sublime où le jazz et le funk rencontraient le disco qui pointait le bout de son nez sur les dancefloors.
Dans la pochette intérieure de Places and Spaces on voit la belle tête de Donald avec sa coupe afro et son sourire à 10.000$. Pas besoin de mettre le disque pour comprendre que le type était heureux et qu’il était fier de son bébé. Il avait de quoi ! On a une section de cuivres entraînante et pêchue, une rythmique piano électrique/basse funky, des guitares et des voix sensuelles. L’orchestration est dense et légère à la fois. Dense par le nombre d’instruments, légère par les motifs sonores. Faite pour plaire à des oreilles exigeantes, festives, jazzy, disco, blanches, noires …
Contrairement au président américain et au célèbre canard du même prénom, Donald Byrd était très intelligent. C’était un oiseau doté d’un instinct de survie et un sens d’orientation exceptionnel. Il a fait ses armes dans les années 50 avec les plus grands jazzmen, il a survécu aux drogues dures abondantes qui ont décimé ses collègues, il a fait partie de la crème de Blue Note, il a capté le pouls des jeunes et a surfé avec eux sur leurs vagues, il a façonné des sons qui allaient servir de base pour la musique noire du futur (le hip hop).
Dans Places and Spaces il jouait de la trompette, de la cornemuse et il chantait ! Il n’a pas composé les morceaux mais il a su s’entourer d’un mini orchestre d’une quinzaine de musiciens qui faisait des étincelles. Il y avait même un siffleur pour donner le signal de la parade…
LET THE MUSIC PLAY !!