On dit que la musique est une religion mais dans notre histoire il n'y a eu qu'un seul genre qui a été au bout de cette transformation divine : Le reggae. Le Dieu du reggae n'est ni Jah, ni Haïlé Sélassié. C'est Bob Marley. Le reggae n'était pas une expression du rastafarisme mais l'expression de son maître. Le reggae était Bob Marley et Bob était le reggae. Le parfait métisse entre la soul, le funk, le R'N'B, voire le jazz et bien sûr les musiques locales des Caraïbes. Le fruit d’un accident (de studio/d’un amour éphémère).
Son message était clair : L'Amour au sens large. Lui qui avait été rejeté par son père blanc, avait fait de l'amour son guide. Dans sa courte vie, il a accompli des miracles : Internationaliser une musique locale. Réunir les blancs et les noirs autour d'un même feu (même s'il se plaignait souvent de l'absence de public noir à ses concerts). Echapper à des balles meurtrières. Faire monter sur scène les deux rivaux politiques qui déchiraient et décimaient la Jamaïque. Donner naissance à 11 enfants avec 7 femmes différentes. Mourir d'un mélanome d’orteil qui s'est transformé en cancer généralisé à 36 ans (!!).
Retenir un seul album de sa discographie est un casse-tête digne du partage de sa fortune par ses héritiers. On pourrait s’en sortir par la petite porte en donnant Legend, le best of incontournable. Trop facile. Mais en creusant un peu il y en a un qui se distingue des autres. Comme une évidence.
Catch a Fire, la première flèche! Avec sa pochette originale sous forme de zippo ou celle avec Bob en train de tirer sur un gros pétard … Premier véritable album des Wailers en 1973, avec les trois membres fondateurs: Bob, Peter Tosh et Bunny Wailer. Ils avaient débuté en 63, galéré puis acquis de la notoriété à Kingston, avant de faire le voyage en Angleterre pour se faire connaitre et mixer leur premier album.
Catch a Fire contient l’hymne des amoureux, Stir it up. Il doit s’écouter comme un album de groupe de rock noir. On le comprend dès le début avec Concrete Jungle, la guitare de Peter est omniprésente. Il n’y a aucun cuivre. La voix de Bob a le lead sur tous les morceaux sauf l’épique 400 Years assuré par Peter. Les coeurs nous rappellent les groupes de doo-wop des 60s. La batterie et la basse des frères Barrett contribuent amplement à la magie. Et que dire du travail de mixage ? Curieusement les overdubs n’alourdissent pas le mix final mais le rendent plus aérien et léger.
Peu de temps après la sortie du deuxième album Burnin’, Bunny et Peter ont quitté le navire des Wailers laissant comme seul maître à bord, Bob. Ils voyaient d’un mauvais œil l’exploitation de leur musique par l’homme blanc du label Island, Chris Blackwell. Bob avait été patient et prévoyant, il considérait que la rançon du succès passait par des petits sacrifices (comme une tournée promotionnelle gratuite dans un pays clé du monde occidental). Il a renommé son bateau (Les Wailers sont devenus Bob Marley and The Wailers) et il est parti conquérir le monde.