Le Brésil et la France ont beaucoup de points communs. Ce sont des terres d’accueil (en théorie) et de brassage ethnique, des grandes puissances économiques, des phares culturels. Au niveau musical, les sud-américains ont une longueur d’avance sur les français. C’est normal, l’étendue du territoire brésilien et sa population font que les racines de sa musique soient plus étendues et que plus de gens s’y intéressent et la font évoluer. Les lumières musicales brésiliennes ont donc attiré – et attirent - beaucoup plus de musiciens français. Parmi ceux-là il y avait Cortex, un groupe de jazz-fusion des années 70 qui avait une oreille tendue de l’autre côté de l’Atlantique et qui a très probablement écouté le premier album d’Azimuth avant de rentrer en studio.
A l’époque il y avait une grande vague de musique progressive en France. Le rock devenait de plus en plus jazz, progressif et sans le savoir précipitait sa perte…c’était normal, le public rock est assez binaire et n’aime pas trop les partitions complexes ! Et parallèlement le jazz devenait de plus en plus rock … chose qui a été très agréablement accueilli par le public jazz et lui permit de survivre.
Cortex était donc du bon côté. En 1975 ils ont eu l’idée géniale de créer un album mêlant du jazz, du funk et de la bossanova : Le Troupeau Bleu. Dès les premières notes on tombe amoureux de la voix féminine chantant en français sur un funk très efficace. La fenêtre donnant sur le Christ Rédempteur de Rio est grande ouverte. La samba pointe petit à petit son nez, prend le lead avant de laisser sa place à un jazz aérien et easy-listening.
A la même période, les brésiliens étaient partagés entre leur musique locale, la MPB (Música popular brasileira) et la pop internationale. Azimuth – ou Azymuth - se sont placés entre les deux en creusant leurs (micro)sillons avec du rock, du funk et de la samba. Leur premier album éponyme était d’une richesse musicale inouïe, d’un cool intemporel. Les synthés et les claviers brodaient des mélodies funky trippantes, les percussions suivaient de près les rythmiques brésiliennes, les guitares fusaient, les voix et cœurs clairsemées faisaient rêver.
Les deux albums des français et des brésiliens méritent une place côte à côte dans une discothèque. Ils ont un grand dénominateur commun. Leur année de naissance ainsi que la fusion latin-jazz/funk. Certes leur mois de naissance les distingue et met les brésiliens en position d’ainés (Février pour Azimuth /Juillet pour le Troupeau Bleu) et influenceurs. Mais les deux œuvres malgré leur affiliation sont uniques et ont beaucoup de différences : L’un est plus jazzy, l’autre plus funky. La langue et la voix est en mode plus scat/free jazz du côté français. Les percussions sont beaucoup plus variées et présentes du côté brésilien. Le saxo manque du côté brésilien …
Le Troupeau Bleu et Azimuth sont comme deux demi-frères. Proches et différents à la fois, avec une essence quasiment identique, qui résiste au temps en restant éternellement jeune.