Il est très difficile pour un fan de Led Zeppelin de choisir leur meilleur album … très difficile également de choisir le meilleur des projets solo de Robert Plant, le seul des trois membres restants du dirigeable à avoir fait une carrière solo digne de ce nom. Son parcours depuis la mort tragique de John Bonham a été très varié et éclectique, allant du rock à la pop en passant par la musique ethnique, la country, le R&B, le hard rock et le blues.
Je vais en choisir deux, parce que Page & Plant sont deux et uniques, parce que la dualité caractérise l’équilibre de ce monde, le yin et le yang. Parce que de la musique et la voix de Plant émane une grande zénitude. Parce que ces deux albums ont une vision opposée, celle du bien et du mal. D’un côté Fate of Nations, sombre, pessimiste avec le lugubre destin des nations et la destruction de la nature. De l’autre Dreamland, une utopie lumineuse, un chant de sirène amoureux destiné à nous guider vers le pays de nos rêves.
Fate of Nations est sorti en 1993. Une décennie où tout allait bien dans le meilleur des mondes de la consommation, où le militant écologiste Robert Plant a voulu tirer la sonnette d’alarme en voyant la pollution de l’air et la destruction de la nature par le plastique, le pétrole et les feux de forêt. La pochette est un coup de poing avec ces deux enfants qui regardent la terre fondre au soleil. Les images intérieures sont encore plus saisissantes avec des statistiques alarmantes. Les chansons sont captivantes, très 90s, toutes plus belles les unes que les autres : On commence avec le magistral Calling to You, on a les singles I believe et 29 Palms, l’exceptionnel Memory Song, la très belle reprise du classique folk If I were a carpenter etc. Elles forment un ensemble rock très zeppelinien … d’ailleurs ce n’est pas un hasard si l’année suivante Page et Plant se sont réunis pour l’excellent projet Unplugged No Quarter !
Dreamland est sorti dix ans plus tard, en 2002. Plant a pris du temps, beaucoup de temps mais le temps est très relatif dans la vie d’un poète (au sens créateur). L’attente valait la chandelle pour ses fans. Avec une nouvelle équipe de musiciens, « le pays des rêves » avait tout pour plaire : des reprises exceptionnelles (le très psychédélique Hey Joe, One more cup of coffee de Bob Dylan, Song to the siren de Tim Buckley), des compositions brillantes (Darkness, Darkness, Funny in my mind, Morning Dew …) et surtout un groupe qui jonglait entre le folk, le blues, le psyché, le art-rock pour porter la voix divine de son maître.
De nos jours, le contexte et la musique des deux albums n'ont pas pris une ride...
pour notre plus grand malheur et bonheur.
PS : Les deux albums avec son groupe Sensational Space Shifters sont très bons : Carry Fire et Lyllaby and the Ceaseless Road. Les deux en collaboration avec Alisson Krauss également dans un registre plus vocal, country et roots US…et puis il y a Mighty Rearranger avec son groupe de 2005 ( nommé Strange Sensation) et Band of Joy en 2010 ... bref tout ce qu'il a fait depuis 1993 est top !!
PS2 : Si vous voulez avoir une vue d’ensemble de son œuvre, depuis les années 80 jusqu'à 2020, son double best of Digging Deep : Subterranea est très bon (et contient au passage deux bijoux inédits : Nothing takes the place of you et Too Much Alike).
PS3 : Saviez-vous que Robert Plant avec Jimmy Page, Jeff Beck, Nile Rodgers et d’autres avaient formé en 1984 un supergroupe nommé The Honeydrippers ? … et qu’ils avaient sorti un chouette EP très rock’n’roll/R&B intitulé « Volume One » ? Sans suite malheureusement ☹