A première vue tout est surprenant dans cet album : Le nom du groupe (pearls before swine – perles avant les porcs), le titre de l’album (balaklava) qui fait beaucoup penser au gâteau oriental chargé en miel, sirop et sucre et enfin la pochette terrifiante tirée d’une peinture moyenâgeuse où une armée d’hommes affronte une armée de squelettes.
Mais lorsqu’on se met à l’écouter et à fouiller son histoire tout devient clair comme une eau de roche ! On est en 1968, la guerre au Vietnam bat son plein. Comme pas mal de groupes, de chanteurs et artistes, Pearls Before Swine en ont fait leur cause de combat. Et ils ont frappé très fort avec leur deuxième album concept qui dénonçait la futilité de la guerre via cette magnifique pochette - le tableau du peintre danois Peter Bruegel intitulé « le triomphe de la mort » - et le titre inspiré de la bataille de Balaklava du 25 octobre 1854 où la cavalerie britannique a été massacrée par les troupes russes.
La musique ne pouvait pas ne pas être surprenante avec un tel habit. On n’est pas du tout dans du métal comme certains pourraient penser mais dans la douceur la plus totale d’un folk psychédélique monumental construit à base de chansons atmosphériques, de voix et d’instruments d’un autre temps. Le paradis n’est pas loin avec tous ses chants d’oiseaux, ses touches d’ivoire légères comme des plumes, ses vagues de marimbas et de pipeaux qui viennent s’échouer sur notre cerveau pour exciter notre imaginaire, .
Les « Swine » étaient menés par Tom Rapp, un type génial au vu de son sens harmonique, de ses idées d’orchestration et de ses références littéraires (d’Hérodote jusqu’à Tolkien en passant par le poète anglais Alfred Tennyson qui avait écrit « the charge of the light brigade » pour dénoncer l’absurdité de la bataille de Balaklava). Il devait également être fan des peintres moyenâgeux flamands au vu des pochettes des deux premiers albums de son groupe !
Hélas ils n’ont pas connu le succès international des grands groupes de rock américains de l’époque (Doors, Jefferson Airplane, Grateful Dead, Creedence Clearwater Revival …) ou de quelques-uns de leurs collègues de folk (Cohen, Dylan, Guthrie, Baez, the Band, Fairport Convention, Cosby Stills Nash & Young…). Malheureusement le militantisme n’a jamais été très vendeur. Mais le temps est venu petit à petit réparer cette injustice. Il a réincarné les idées des Pearls before Swine dans les chansons de Love, de Tim Buckley, des Fleet Foxes (la pochette de leur premier album ne vous rappelle rien ?)... et glisse la galette contenue dans la pochette diabolique dans de plus en plus de platines.