La dernière décennie du 20ème siècle était pour Bowie une période musicale extrêmement riche et malheureusement très sous-estimée. Ses followers et le public plus large étaient perturbés, décontenancés par ses expérimentations et changements de direction. Chose très paradoxale car cet homme avait toute sa vie muté, changé de visage et ceux qui le suivaient le savaient. Ils s’attendaient sans doute à entendre des hits, des rocks efficaces du genre Let’s Dance, Starman, Ashes to ashes ou Life on Mars … et David leur a servi du pur art rock avec du jazz, des improvisations, de l’electro et du drum’n’bass !
Brilliant Adventure [1992-2001], le cinquième coffret d’une série qui retrace toute la carrière de Bowie, contient toute la magie de cette période surprenante.
L’aventure commence avec Black Tie White Noise en 1993. Bowie est tombé amoureux d’Iman et veut tirer un trait sur la fin catastrophique des années 80. Il veut renaître. Cela s’entend dès les premières notes, (les sons de cloche qui annoncent son mariage), avec les voix instrumentales (les saxos et trompettes), les claviers avant-gardistes.
Ensuite on s’arrête en 1994 avec la musique du film Buddha Of Suburbia. Premier joyau quasiment oublié de cette période, co-écrit et interprété avec Erdal Kizilçay – un multi-instrumentaliste turc qui avait souvent collaboré avec David dans les années 80 -. Un album atypique, inhabituel dessinant des paysages futuristes aux couleurs jazzy-electro-pop.
On passe au magistral 1.Outside de 1995. Une bizarrerie de la tête aux pieds dont seul David avait le secret. Avec son vieux copain Eno ils s’étaient retrouvés et avaient décidé de se lancer dans un cycle de cinq albums concepts autour de la fin du 20ème siècle, le journal de Nathan Adler … projet trop ambitieux qui s’est malheureusement arrêté au premier chapitre, Outside. Une session d’improvisation de haute volée dirigé de façon théâtrale par Eno et Bowie où chaque musicien avait un rôle et devait l’interpréter avec son instrument dans un scénario donné.
En 1997 on décolle avec Earthling pour explorer la jungle, un sous-genre de l’electro né dans les raves londoniennes des années 90. A cinquante ans, Ziggy relève le défi d’endosser un nouveau costume (avec le drapeau anglais déchiré) pour explorer des idées nouvelles à base de samples, de loops et de drums machines.
Et on atterrit en 1999 avec Hours…l’album le plus calme de DB. Loin du chaos et du speed de ses deux prédécesseurs, on est dans un havre de paix et de douceur où le maître donne une leçon de romantisme et de sérénité.
Puis vient le temps des surprises !!
Toy, un album inédit, contenant des reprises de ses premières chansons (du milieu des 60s avant Space Oddity) enregistrés en 2000. Un très beau cadeau de noël pour les fans, surtout pour ceux (comme moi) qui ont une affection particulière pour cette période peu glorieuse des 60s, les années Decca, où David cherchait à percer en vain en écrivant des chansons naïves, hors-du-temps. Enregistrés après le triomphe du concert de Glastobury, au sommet de sa gloire, dans un mode studio live, ses reprises regorgent de fraicheur, de joie et de vie.
Et que dire du Live at the BBC Radio Theatre, à Londres le 27 juin 2000 ? Qui n’a pas rêvé d’un concert privé de son idole, d’être à deux pas de lui et le toucher ?! David l’a fait pour une centaine de chanceux tirés au sort et venus des quatre coins du monde assister à un de ses plus beaux concerts. Et se régaler avec une playlist sublime de 21 titres retraçant toute la carrière de Bowie via des versions sensiblement différentes de ses classiques ou encore des chansons qu’il n’avait pas l’habitude de jouer en live (Wild is the wind, London Boys, I dig everything).
Pour finir, le gargantuesque Re:Call 5, une compilation d’une quarantaine de raretés. Des singles, des remix, des demos, des prises alternatives chantées en indonésien ou mandarin, des morceaux bonus éparpillés dans des versions exotiques de ses albums ou des compils inconnues se retrouvent ensemble pour prolonger de quelques heures notre plaisir.
Celui d’entendre chanter un homme au sommet de sa vie personnelle et professionnelle. A 45-50 ans il était plus beau que dans les 70s. Moins drogué, joyeux, amoureux sans aucun doute. Libre d’aller où bon lui semblait sans se soucier des charts et du foutu « qu’en dira t’on». Son rock avait atteint une maîtrise et une technique exceptionnelle, cet art rock mutant qu’il a façonné comme personne.
RIP David.
PS: Cet article est dédicacé à toutes celles et ceux qui traversent leur quatrième ou cinquième décennie. Vous êtes dans votre plus bel âge, profitez-en !! 😉