Une écrasante majorité des compilations de reprises qui rendent hommage aux grands groupes ne volent pas très haut et tombent dans l’oubli. Elles laissent un goût amer, une impression moins bonne par rapport aux versions originales. En général un ou deux morceaux arrivent à se distinguer des lots mais sont noyés dans la médiocrité de l’ensemble ou écrasés sous le poids de l’artiste d’origine. Difficile de copier un bijou en le rendant aussi brillant que son père !
Cette règle a été rompue avec Nativity In Black, l’album hommage aux Black Sabbath, sorti en 1994. Si mes souvenirs sont bons, à l’époque la mode des "tribute" était nouvelle chez les maisons d’édition. Columbia avait fait un effort pour réunir la crème du métal. Les enfants de Black Sabbath avaient le vent en poupe, le hard rock était un genre très populaire (au niveau mondial) et les artistes invités ont tous répondu présent ! Qui aurait pu décliner une telle invitation ? Qui n’aime pas sa mère ? Tous les hardos doivent leur existence au quatuor de Birmingham qui en 1968, à contre-courant et en plein flower-power, créa une nouvelle branche dans l’arbre du rock. Noire, froide, brute, flippante, demoniaque, puissante, chevelue et hors-la-loi. Un métal lourd qui a complétement changé le paysage sonore des cinquante dernières années. Et la vie de beaucoup de jeunes.
La liste des participants de Nativity in Black est vertigineuse. Par qui doit-on commencer ? Sepultura, Megadeth, Bruce Dickinson, Faith No More, Type O Negative, Ugly Kid Joe, Biohazard, White Zombie, Corrosion of Conformity ou Therapy ? Il n’y avait pas de tête d’affiche, ils étaient tous géants ! Et même les deux inconnus de la liste – Bullring Brummies et 1000 Homo DJs -, si on les regarde de près, on voit apparaitre d’un côté Rob Halford (de Judas Priest) et deux Sabbath fondateurs (Bill Ward et Geezer Butler) de l’autre Jello Biafra (des Dead Kennedys) et Trent Reznor (des Nine Inch Nails) !! Ozzy Osbourne participe également, le chanteur des Black Sabbath dont la voix se mariait si bien avec les riffs glaçants de Tony Iommi ne pouvait pas être absent de cet album all-stars du métal.
La playlist est jouissive. Les piliers du temple du Samedi Noir sont là : Paranoid, The Wizard, Sabbath Blody Sabbath, War Pigs, Iron Man, Black Sabbath, Symptom of the Universe, NIB, After Forever, Children Of the Grave, Supernaut, Lord of this World.
Joués et produits d’une façon exemplaire, plus modernes que les originaux. Chaque groupe les a dépoussiérés en mettant leur son personnel pour les sublimer et relever leur éclat : Biohazard avec leur hardcore. Bruce Dickinson avec ses envolées vocales (sans Iron Maiden, il venait de quitter le groupe pour une escapade solitaire qui ne dura pas très longtemps). Sepultura avec leur trash, la batterie décapante d’Igor Cavalera et la guitare funky de son frangin à la fin. 1000 Homo DJs avec leur son industriel. Megadeth avec leurs guitares en cascade. Faith No More avec leur live épique. Type O Negative avec leur version gothique/satanique de Black Sabbath (qui glace 2 fois plus le sang que l'original!) etc. Et Cathedral avec Solitude pour clore la compilation comme il se doit. En ghost song et en ballade, tout en douceur !
Les cinq premières années du groupe, de 70 à 75, sont là. Les meilleures, où Ozzy était derrière le micro. Curieusement le grand prêtre Tony Iommi était absent de cette compilation. Le leader, compositeur et guitariste du monstre n’a pas voulu jouer avec les enfants. Pour deux raisons à mon avis. Primo Dieu ne se mêle pas avec les terriens pour reprendre ses propres morceaux ! Et deuxio comme tout bon père, il ne doit pas montrer sa préférence à un de ses enfants…
[dédicacé à mon frère Panos à qui je dois la partie métallique de mon cerveau 😊]