Très peu d’artistes sont libres pendant toute leur carrière. Lorsqu’ils franchissent le cap du professionnel, tôt ou tard ils tombent dans les pièges posés par les maisons d’édition, les fans, les contrats, l’argent et cloisonnent leur liberté artistique, rentrent dans des cases. Comme un enfant ou un adulte soumis aux lois de ses parents, sa famille, sa religion et sa société. Autrement dit la liberté est une utopie sauf pour certains fous ou marginaux qui semblent voler libres comme les oiseaux où bon leur semble. Comme les Flaming Lips.
Ils ont toujours fait ce qui leur plaisait, depuis leur naissance au début des années 80 dans l’Oklahoma. Le rock indépendant (indie pour les intimes) n’a jamais aussi bien porté son nom qu’avec eux. Du haut de ses 40 ans, le groupe peut contempler sa riche discographie et se dire qu’ils ont presque tout fait dans leur genre. Du punk, du post-punk, du psychédélique, de l’expérimental, de l’electro, du bruit, de la synth-pop, de l’ambient, du downtempo, de l’acid rock etc.
Les harmonies de la bande à Wayne Coyle côtoient les bruits et les dissonances avec une beauté insolente. Les pochettes sont plus bizarres les unes que les autres, colorées, anticonformistes, géniales, psychédéliques à souhait. Les titres de certains morceaux et albums sont longs, torturés, trop compliqués pour les mémoriser. Peu importe ! Ils n’ont pas fait de tubes toutes ces années, leurs albums doivent s’écouter du début jusqu’à la fin, comme une visite dans un musée bizarre ou une expo loufoque.
Ils ont pris leur envol lorsqu’ils ont signé chez Warner en 1992, tout en gardant leur liberté d’expression. La principale porte d’entrée dans leur jardin sont leurs deux albums les plus connus The Soft Bulletin et Yoshimi battles the pink robots, remplis de mélodies pop captivantes, de synthés hypnotiques et orchestrations classiques. Si vous êtes plus rock/post-punk, il faut passer par la petite porte, celle de leur première période underground des années 80 (notamment leur excellent premier album Hear It Is). Si vous êtes plus electro/ambient il faut piocher dans leur dernière décennie (du côté de The Terror par exemple).
La surprise, les délires et les expérimentations faisaient toujours partie de leurs ingrédients de base. Elle atteignit des sommets avec leur projet Zaireeka composé de 4 disques qu’on est sensé écouter en même temps sur quatre platines différentes ! Ou encore récemment la série de 12 videos youtube ‘Two Blobs Fucking’ à jouer simultanément sur 12 télephones 😊
Ils ne se sont jamais pris au sérieux. Ils avaient toujours la tête dans les étoiles et l’espace, vers la maman univers. Surtout pendant les deux dernières décennies où ils ont multiplié les références galactiques, crée le film de science fiction Christmas on Mars – écrit par Wayne où le groupe et leurs amis participent en tant qu’acteurs - et même produit un live fictif dans la station spatiale internationale (Onboard the International Space Station Concert for Peace) !
Ils ont collaboré avec une multitude de groupes, inspiré énormément d’artistes. Ils n’ont pas oublié leurs maîtres, les Beatles, Pink Floyd, Queen, Clash ou David Bowie. Ils leur ont rendu hommage avec leurs excellentes reprises de Space Oddity, Bohemian Rhapsody, leurs deux albums hallucinogènes With a little help of my fwends et Dark Side of the Moon ou le magnifique King’s mouth avec les narrations de Mick Jones.
Petit à petit ils sont devenus culte, riches sans doute. Mais ils n’ont pas perdu leur naïveté originelle, la flamme créatrice qui guidait leurs premiers pas. Elle est certes passée par toutes les couleurs mais elle est toujours aussi agréable à regarder. Après tant d’années plus d’un auraient succombé, seraient tombé dans l’oubli ou la répétition lassante. Mais eux sont toujours là, plus vivants que jamais. En produisant un des meilleurs albums de l’année covid 2020, le American Head, ils prouvent qu’ils ont encore plus d’un tour dans leur sac.
God save the Flaming Lips !