On préfère tous les « petites » salles aux stades. Ces anciens théâtres, ces lieux historiques qui ont vu passer tant de générations d’humains en quête de bonheur artistique. Ces scènes où les acteurs sont à quelques mètres de nous, où l’acoustique et les chaleureux décors ajoutent une dimension supplémentaire aux représentations. Où le public et la scène communiquent, transpirent et s’inspirent ensemble.
Nick Mason, le batteur des Pink Floyd, a fait ce choix admirable. Pendant presque trente ans il tournait dans des stades et des salles immenses du monde entier. Il aurait très bien pu continuer de le faire avec Roger Waters ou David Gilmour. Mais il a voulu replonger à ses débuts, à l’épopée glorieuse de Syd Barett où lui et ses camarades naviguaient dans les petites salles de la vieille Albion. Et il a poussé son trip jusqu’au bout : Il a formé un groupe qu’il a nommé Saucerful of Secrets (comme le deuxième album des PF, le dernier où Syd faisait son apparition) avec lequel il a joué dans les petites salles des reprises de Pink Floyd datant de leur première période. Avant Dark Side of The Moon…
Le live au Roundhouse de Londres est un album surprenant. Par le contexte, le son, la playlist, les interactions avec le public et surtout l’entente des cinq musiciens. Nick Mason n’a pas choisi au hasard sa bande de vétérans : Le bassiste Guy Pratt avait tourné avec les Floyd dans les années 80, le claviériste Dom Beken avait déjà travaillé avec Richard Wright. Gary Kemp des Spandau Ballet à la voix et à la guitare n’est pas le premier venu. Et l’excellent guitariste Lee Harris non plus, qui avait eu l’idée initiale du projet.
La joie et la passion, la maîtrise et la puissance caractérisent ce groupe. Il n’y a pas de fausses notes ou de moments de flottement comme aux débuts chaotiques de Pink Floyd en 66. Les versions de Saucerful of Secrets (SOS pour les intimes) respectent l’esprit des originaux – psychédélique, garage, spatial – en ajoutant une sauce veloutée, voire épicée avec certains solos et impros. L'espace que chaque musicien s'accorde pour ajouter son grain de sel n'est pas négligeable. Les Lucifer Sam, Astronony Domine, Arnold Layne, If, Bike, See Emily play prennent un coup de jeune et sonnent trop bien. Il y a même Vegetable Man, une chanson que Barrett n'avait pas eu le temps de finir et que les Floyd n'avaient jamais joué en concert ! Le public est en transe et n’hésite pas à se joindre aux cœurs, voire improviser des hymnes pour porter plus haut les musiciens.
Certes Nick Mason n’a pas le talent d’écriture de Gilmour, Waters ou (à moindre mesure) Wright. Il était loin du leadership du monstre sacré. Mais il a toujours gardé un œil critique et un avis sur l’orientation des Pink Floyd. Il est le seul membre vivant à avoir suivi l’aventure du début jusqu’à la fin. Il était au cœur de la rythmique pink-floydienne, sa technique n’a cessé de s’améliorer. Il était et il est un batteur doué, un monument du rock anglais. Son idée de retour aux sources est géniale, je suis persuadé qu’elle sera suivie par d’autres grands musiciens qui ont été obligés de se retirer de la scène (par orgueil, par manque de confiance, par respect aux membres défunts etc). L’espoir que Saucerful of Secrets serve d’étincelle pour rallumer le feu des Pink Floyd est faible, mais on ne sait jamais. Dum Spiro Spero !!
PS : Mick Mason’s Saucerful of Secrets passe le 28 mai 2021 à Paris, au Grand Rex. Réservez votre place, vous ne le regretterez pas 😉