Les enfants d’Aphrodite n'étaient pas beaux !! Il n’avaient pas hérité du physique de leur mère. Ils étaient barbus, poilus, avec des kilos en trop. Ils surfaient sur la vague flower-power de la fin des 60s avec leurs tenues kitch de grecs anciens ou de californiens cools à lunettes noires, colliers, vestes glam et autres accessoires woodstockiens. Ils étaient trois, Demis Roussos aux vocaux et à la basse, Vangelis Papathanassiou aux claviers et Loukas Sideras à la batterie.
On se souvient d’eux grâce à leur tube Rain and Tears, le dernier 45 tours sorti chez Mercury avant la révolte de Mai 68. Mais ce morceau, qui leur avait ouvert la porte de la gloire, n’était pas représentatif de leur musique. Elle était à la frontière du rock psychédélique et progressif avec des ballades pop comme intermèdes.
Demis et Vangelis étaient les deux forces motrices du groupe. Malheureusement leurs caractères ne collaient pas et leur contribution au sein du groupe était trop inégale pour pouvoir vivre longtemps ensemble. L’un était extraverti avec une superbe voix et mourait d’envie de partir en tournée … l’autre était introverti, composait la quasi-totalité des morceaux et se sentait beaucoup plus à l’aise en studio devant des machines qu’en concert devant des groupies.
La discographie d’Aphrodite’s Child se compte sur les doigts d’une main. Trois albums (End of the World – It’s Five o’clock – 666), quelques singles dont les excellents Spring, Summer Winter and Fall et les deux reprises italiennes Lontano Dagli Occhi/Quando l'amore diventa poesia pour le festival de San Remo. En un peu plus de deux heures, le tour du monde des enfants terribles du rock grec est bouclé. C’est un tour qui vaut le détour.
Surtout du côté de 666, cet album controversé et interdit en Grèce et dans d’autres pays à cause de son côté blasphématoire et choquant. Ils avaient osé sortir un album concept sur l’Apocalypse de Saint Jean et cerises sur le gâteau :
1) Le titre 666 qui était le nombre interdit des chrétiens, celui de l’Antéchrist,
2) La phrase intrigante de pochette que l’album avait été conçu sous l’influence de Sahlep.
3) L’introduction avec le morceau System ou des voix chuchotent et prennent de plus en plus d’ampleur en répétant « Fuck the system, Fight the system ». Avant de se taire pour laisser place à Demis pour annoncer la destruction de Babylone.
4) La participation de la grande actrice Irène Pappas pour simuler un orgasme sur Infinity (∞).
En mettant de côté les aspects « choquants » de 666 qui relevaient plus d’un effet de buzz que d’une réelle allégeance au diable et à la perversion, la musique est sublime et part dans tous les sens. Piano, trompettes, flûtes, guitares folk-heavy-psychés, rythmiques puissantes, cloches, lamentations, effets spéciaux, douceur et agressivité, du rock dans tous ses états. Progressif, avant-gardiste et en même temps très accessible. Sans les solos interminables, techniquement complexes et dépourvus de charme de leurs collègues de rock progressif. Et en background la mythologie apocalyptique avec son bestiaire, la chute de Babylone, les quatre chevaliers, l’agneau etc …
Ils - ou il plutôt car Vangelis était derrière cette diablerie - n’aurait pas pu trouver un meilleur chant de cygne avant de poser la pierre tombale sur son groupe !