Je ne vais pas vous parler du célèbre marquis français qui vécut au 17ème siècle. Je vais vous parler d’un groupe français légendaire. De musique évidemment ! Qui a eu une durée de vie très courte – cinq ans – et qui nous a offert 2 diamants méconnus : Dantzig Twist et Rue de Siam. Qui avait une vision très éclectique du rock et un chanteur singulier et charismatique.
Marquis de Sade est né en 1977 du côté de Rennes. C’était un groupe à deux têtes, le chanteur Philippe Pascal d’un côté et le guitariste Frank Darcel de l’autre. Ils composaient tous les deux la quasi-totalité des morceaux. Philippe écrivait les paroles, en anglais majoritairement. Leur musique oscillait entre la new-wave et le post-punk avec quelques touches de funk blanc et de jazz. Ils faisaient partie de l’avant-garde des musiciens européens qui façonnaient la musique du futur, aux côtés de Cure, Joy Division, Devo, Talking Heads, David Bowie (dans sa période berlinoise).
Leurs guitares étaient acérées, les riffs mélodieux et dissonants. Le chanteur attirait les oreilles et les yeux par ses mouvements saccadés, son regard perçant, sa voix révoltée, ses traits fins et inquiétants. Les paroles étaient dures, sombres, politiquement incorrectes. Elles peignaient un monde cruel, violent, drogué, malade. Marquis de Sade avaient une beauté froide, magnétique, démoniaque. Leurs deux albums étaient beaux comme une peinture expressionniste de Munch ou de Klimt. Le grand frère « Dantzig Twist » était plus rock que le petit « Rue de Siam » davantage jazzy/pop electro. Ils volaient très haut !
Malheureusement leur projet explosa en 1981. Une lutte fratricide les a eus, comme la plupart des groupes bipolaires. Philippe voulait continuer sur le rock binaire, Frank voulait faire de la pop dansante. Leur vision était trop en avance sur leur temps et le showbiz français. Ils avaient été parmi les premiers groupes français à croire et à miser sur la langue anglaise. Mais le public français de l’époque n’était pas suffisamment mûr et bilingue pour ce pari, ils préféraient écouter des groupes anglo-saxons moins bons ! Le show-biz avait besoin d’être rassuré plutôt que d’être inquiété, caressé avec des belles courbes plutôt que d’être bousculé par des angles et des lignes saccadées. Ils auraient très bien pu percer à l’international mais ils n’ont pas ouvert les portes de leurs frontières…Le complèxe d'infériorité de la periphérie par rapport à la capitale y est pour quelquechose. Pourtant ils avaient toutes les clés en main !
Comme dans un conte de fées, ils se sont reformés en 2018 pour une petite série de concerts qui a déclenché un grand engouement et un espoir de réformation. Ils ont commencé à travailler sur leur troisième album, ils avaient ouvert de nouveaux leurs ailes et s’apprêtaient à voler. Mais leur destin avait décidé autrement, le suicide de Philippe Pascal le 12 septembre 2019 posa définitivement la plaque tombale sur le marquis du rock français.
RIP Marquis de Sade, ta musique ne s’éteindra pas…
(Ton feu a éclairé, éclaire et éclairera les pas du rock français).