Lorsqu’on parle de musique arabe on pense principalement à la musique traditionnelle savante, au maqâm pour les connaisseurs, un système modal dont les sources remontent aux gammes indiennes et grecques de l’antiquité et qui s’exprime à travers des instruments particuliers : l’oud, la darbouka, le ney, le qanûn, le rabâb etc. Pourtant il existe une musique moderne, influencée par les courants occidentaux, qui a beaucoup tourné dans les lecteurs de cassettes/CD et a fait le bonheur de beaucoup de jeunes ! Notre croisière méditerranéenne du rock nous amène donc en Egypte, qui avec le Liban constituaient dans les 60s-70s les deux plaques tournantes de la culture arabe moderne et de la musique en particulier.
Le groupe Al Massrieen s’est formé à la fin des années 70. Le compositeur et leader du groupe, Hany Shenoda, avait commencé sa carrière dans un groupe de reprises de tubes occidentaux pour touristes, les Petits Chats. Il s’est vite rendu compte de la nécessité de rupture avec la monophonie musicale de son pays, il n’était pas possible que chaque instrument d’un orchestre joue la même chose ! Il fallait créer des lignes de basse, des accords, des harmonies pour chaque instrument et mettre le tout dans la boîte magique de l’orchestration. Et surtout chanter en arabe pour se distinguer de ses homologues américano-européens et parler à la jeunesse égyptienne.
Son idée a porté ses fruits. Al Massrieen était riche ! Pas au niveau pécunier car malgré le succès de leurs concerts et leurs cassettes qui se vendaient comme des délicieux pains chauds, il ne touchaient pas beaucoup de royalties... (En Afrique les maisons de disques n’étaient pas réputées pour leur honnêteté, l’Egypte ne pouvait pas faire exception à cette règle ☹). Ils étaient riches au niveau du son. TRES riches. Il y avait de la pop, du funk, du disco, du rock psyché, du jazz dans leurs chansons. Il y avait des instruments de rock classiques et des instruments traditionnels, des boîtes à rythmes, des synthés et des vocodeurs (les codeurs de voix). Le dénominateur commun était l’arabe, la langue de la voix masculine ou féminine. Et l’envie d’innover, de créer une musique moderne en partant de l’héritage des anciens troubadours.
Trouver aujourd’hui des disques de ce groupe est presque impossible. Leurs albums sont sortis de 1977 à 1988 en cassettes et avec le temps ils ont disparu de la circulation. Il n’existait quasiment pas de compilation de leurs chansons en CD ou en vinyle. Jusqu’en 2017 où Habibi Funk Records, un label de passionnés allemands de musiques arabes a réparé cette injustice en sortant Modern Music ! Une compil avec les titres les plus représentatifs d’Al Massrieen, ce groupe brillant et méconnu qui a rythmé les pas des méditerranéens de l’orient.