La première fois que je l'ai vue, elle était sur scène avec Jacques Higelin. Elle a interprété 2, 3 chansons avec lui puis s'est éclipsée le laissant tendrement terminer le concert. J'étais célibataire.
La seconde fois que je l'ai vue, c'était dans une toute petite salle de spectacle. J'étais accompagné de ma mie respectable.
Ensuite, toutes les autres fois que je l'ai vue, c'était dans des salles un peu plus grandes. J'étais accompagné de ma mie et de nos enfants. J'étais papa.
Elle s'appelle Brigitte Fontaine et ce depuis qu'elle est née. Elle a sorti en janvier de cette année, son tout nouvel album – Terre Neuve – . Elle pose, en couverture, en egyptiennequiveutendécoudre. L'opus a été réalisé par Yan Péchin. Ce type, la vie de ma mère, même une guitare folk entre les mains, on a l'impression qu'il joue sur une stratocaster. Tout ça pour dire que Terre Neuve a des couleurs Rock très franches.
Elle y chante, avec toujours autant de liberté et d'audace, ce qu'elle a malicieusement et délicieusement écrit. Elle continue de conchier le patriarcat; elle pourrait être clouée au piloris pour incitation à la violence si les peigne-culs de censeurs et autres chroniqueurs du Figaro se mettaient à écouter Vendetta.
Elle me fait penser à Al Hallaj, vous savez celui qui au dixième siècle, fut atrocement mis à mort à Bagdad, pour avoir prononcé les mots suivants «Ana l'haqq» («Je suis la Vérité Absolue»); mots considérés par les peigne-culs de censeurs et chroniqueurs du Figaro de cette époque, comme blasphématoires. A l'instar de ce grand maître soufi, elle interprète «Je suis le Tout», un poème qui pourrait faire pâlir de jalousie Yunus Emre himself.
En substance, cette femme se fout des «fatwas» en tout genre qui pourraient s'abattre sur elle.
D'ailleurs, elle le disait, elle-même, y a quelques années, «Je suis vieille et je vous enc... vais crever, un petit détail oublié».
C'est une artiste talentueuse et séditieuse et courageuse et amoureuse; c'est sans vergogne que j'me permets d'écrire que j'lui voue une admiration immense.
Si elle part en tournée et qu'elle vienne à traîner ses guêtres dans ma région, j'irai la voir sans faute pour pogoter sur «J'irai pas».
J'espère, un jour – c'est un vœu pieux – pouvoir assister à un de ses concerts, accompagné de ma mie respectable, de mes enfants admirables et de mes petits-enfants formidables.