Peu de gens savent que la musique grecque est aussi riche que l’histoire du pays. Ses racines se trouvent dans toutes ses régions et sont constituées de chants, danses et instruments traditionnels très variés: Cuivres et clarinettes au Nord. Violons et guitares dans les îles. Lyre et luth dans le Péloponnèse et la Crète. Percussions et quanun à l’Est. Un véritable carrefour où se côtoient musiques balkaniques, latines, orientales, maghrébines, berbères … Le paradis de la fusion !!
A ce riche folklore, se sont superposés deux nouveaux genres majeurs inventés à la première moitié du 20ème siècle (le rebetiko – le blues grec -, le laïko et le endechno - la « chanson grecque ») qui ont mis en valeur l'instrument national, le bouzouki. Depuis les années 60 il n’y a pas eu de nouveauté, les jeunes musiciens se sont inspirés (et s’inspirent) des courants actuels pour donner naissance à un rock, pop, hip hop local ou à des formes très intéressantes de fusion.
Et le jazz dans tout ça ? Jusqu’à la fin des années 70 il n’existait quasiment pas. Il était impossible même à Athènes de trouver un orchestre, un groupe ou une boîte de jazz. Rares étaient ceux qui pratiquaient cette musique. Au mieux un jazzman pouvait trouver du travail dans un piano bar et jouer des partitions ennuyeuses pour un public désintéressé. Un clarinettiste pouvait gagner sa vie à condition d’accepter de vendre son âme d’artiste à des foires.
Dans ce contexte désertique, Kyriakos Sfetsas – un compositeur avant-gardiste méconnu et génial - s’est entouré d’une fine équipe de musiciens athéniens pour accomplir son rêve. Créer à la fin des années 70 une fusion jazz-ethnique de toute beauté. Il est parti de thèmes traditionnels simples joués à la clarinette et les a enrichis avec des structures musicales et des improvisations plus complexes mais très accessibles pour les oreilles. Des motifs traditionnels ancestraux ont été ainsi « élevés » à la sphère universelle du jazz.
Malheureusement très peu de personnes avaient écouté les compositions du sextet Greek Fusion Orchestra. Cette musique n’était pas du tout à la mode et aucune maison d’édition ne s’était réellement intéressée. Un seul album à ma connaissance était produit en 1980 qui a sombré dans l’oubli... Ces enregistrements étaient donc restés endormis pendant plus de 40 ans jusqu’à ce que Teranga Beat – un très bon label spécialisé dans les musiques africaines - vienne les réveiller et édite un premier volume … La belle au bois dormant s’est enfin réveillée ! Un vrai conte de fées qui vaut le détour.