Ron Davis – Instrumental Music libération Front (2020)

Publié par Christos sur 22 Avril 2020, 07:12am

La musique instrumentale et le jazz en particulier ont été injustement écartés de la musique mondiale les dernières décennies. L’avènement du rock dans les années 60 et d’autres genres hybrides dans les années 70 (funk, reggae, disco, hiphop, métal, punk …) moins complexes, plus populaires, à base de voix -plus parlantes pour les oreilles - ont petit à petit marginalisé le jazz instrumental. Mais son cœur n’a cessé de battre grâce à quelques résistants avant-gardistes qui croyaient à sa survie via la fusion : Miles Davis, Weather Report, Herbie Hancock, John McLaughlin, Donald Byrd et le label Blue Note, Path Metheny, Chick Correa, John Zorn etc. Plus récemment la très jeune et brillante scène jazz anglaise qui attire beaucoup de regards.

Ron Davis, un pianiste canadien, fait partie de cette liste de résistants. Qui croient que les sons de demain seront un mélange de genres. Que l’on peut partir du jazz – la pâte à modeler idéale – ajouter un peu de pop, de folk, de funk, de classique et obtenir un mets exquis. Que l’on peut déguster sans modérations et limites d’âge, de temps ou de culture musicale.

Le titre de son dernier album – Instrumental Music Liberation Front – nous met tout de suite la puce à l’oreille ! On est embarqués dans un combat, on est amenés à faire de la résistance pour sauver le soldat instrumental. Lui redonner ses lettres de noblesse. Evidemment il ne s’agit pas de prendre les armes. On doit juste ralentir, s’asseoir dans un endroit calme et nous laisser emporter par les notes et nos émotions.

Les airs sont parfois familiers, les morceaux sont pour la plupart des clins d’œil à des vieux maîtres qui ont modifié le génome de la musique mondiale : Brahms, Prokofiev, Bach, Django Reinhardt, Astor Piazzola, Haendel, Stravinsky. Les instruments de ce front de libération forment trois sous-ensembles – piano / petit orchestre classique / groupe de jazz-rock - et dialoguent de façon claire, facile à appréhender. L’orchestration est subtile, fluide, le centre de gravité du triangle est toujours en mouvement. Il oscille entre ses pôles faisant basculer la musique vers un jazz manouche, un shuffle, un tango, un air pop ou une composition classique.

Le philosophe Michel Serres disait que la musique est la souche de toutes les langues. Ron Davis et son ensemble SymphRONica sont proches d’une telle souche. Ils parlent un langage à la fois ancestral et moderne, intemporel et actuel, éclectique et accessible, universel et profondément humain. Le langage rêvé dans un monde en quête de révolutions.

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